Lors de la 15ᵉ édition de l’« Europe Africa Investment Forum », tenue à Bruxelles le 26 septembre, André Wameso, gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), n’a pas seulement présenté l’état de l’économie congolaise. Il a surtout esquissé les contours d’une révolution silencieuse mais déterminante : celle des paiements numériques en République démocratique du Congo.
Pour lui, la digitalisation n’est pas un simple choix technologique, mais une nécessité vitale pour un pays en pleine mutation. « C’est une question de survie », a-t-il martelé devant un parterre de diplomates, banquiers et investisseurs internationaux.
Avec plus de 100 millions d’habitants, dont 70 % de jeunes, la RDC se trouve face à un double défi : transformer son dynamisme démographique en moteur économique et formaliser un secteur informel qui concentre encore près de 80 % des activités. Selon Wameso, la digitalisation est le levier pour y parvenir.
« Grâce aux smartphones et à l’intelligence artificielle, il sera possible d’évaluer la solvabilité d’un petit commerçant au marché de Kisangani ou de Matadi, et de lui octroyer un crédit en quelques minutes », a-t-il illustré.
La BCC entend ainsi démocratiser l’accès au crédit, aux paiements sécurisés et aux services financiers même dans les zones reculées. Cette stratégie repose sur une infrastructure numérique déjà consolidée depuis 2021, avec l’adoption du Code numérique qui encadre la protection des données et régule les transactions électroniques.
Au-delà de la finance, André Wameso a insisté sur l’impact social de la révolution numérique. La gratuité de l’enseignement primaire, financée grâce à l’accroissement des recettes fiscales, a permis une scolarisation massive des filles. Pour lui, remettre la jeune fille à l’école, c’est préparer la relève d’une génération de femmes entrepreneures et actrices de l’inclusion financière.
Déjà, plus de 60 % des femmes congolaises participent à la vie active. L’enjeu est désormais de leur offrir des outils adaptés : paiements mobiles, microcrédits digitaux, plateformes d’épargne en ligne.
La vision portée par André Wameso va bien au-delà de la finance. Elle vise à modifier le récit international sur la RDC. « Notre pays ne veut plus être perçu uniquement comme un réservoir de matières premières, mais comme un acteur majeur de la transformation digitale africaine », a-t-il affirmé.
Ce changement de cap est aussi une opportunité pour élargir l’assiette fiscale, renforcer la traçabilité des flux financiers et surtout, restaurer la confiance entre les citoyens, les institutions bancaires et l’État.
La participation du gouverneur de la BCC à ce forum international a également renforcé la diplomatie économique congolaise. Aux côtés de Guylain Nyembo, vice-Premier ministre du Plan, et d’acteurs financiers tels que TMB, Equity et Visa, André Wameso a repositionné la RDC comme un hub d’innovation en devenir.
Le numérique devient donc non seulement un outil de développement interne, mais aussi un atout stratégique pour l’attractivité des investissements étrangers.
Si les ambitions de la BCC se concrétisent, le paysage économique congolais pourrait connaître une transformation radicale d’ici cinq ans. Une économie moins dépendante du cash, plus inclusive et plus transparente.
Pour Wameso, la révolution numérique est déjà en marche. Le véritable défi reste désormais de traduire cette vision en réalité pour que chaque Congolais, du commerçant de Kinshasa à l’agriculteur du Kongo Central, devienne acteur et bénéficiaire de cette transformation.
par Bosco Kiaka

