Comme dans de nombreuses communautés traditionnelles, la sexualité demeure un sujet tabou, souvent évité dans les discussions familiales et communautaires. Ce silence a des répercussions non seulement sur les relations familiales, mais aussi sur la santé sexuelle et reproductive des individus. L’ignorance, entretenue par l’absence de dialogue, met en danger les jeunes, en particulier les filles, exposées aux risques de grossesses précoces, de maladies sexuellement transmissibles (MST) et de violences sexuelles.
Un Tabou Culturel et Familial Affectant la Santé Sexuelle et Reproductive Dans les familles de Kisantu, la sexualité est souvent perçue comme un sujet privé, voire honteux. Ce tabou se transmet de génération en génération, créant un fossé entre parents et enfants et rendant difficile toute discussion sur des questions essentielles, comme la santé sexuelle et reproductive. Par conséquent, les jeunes grandissent sans recevoir une éducation sexuelle adéquate, essentielle pour leur bien-être et leur protection.

Le sociologue Antoine Makengo, spécialiste des dynamiques sociales à Kisantu, explique : « Dans de nombreuses familles, la sexualité est un sujet que l’on évite de traiter. Les parents, souvent par peur ou par ignorance, ne transmettent pas à leurs enfants les connaissances nécessaires pour qu’ils comprennent les enjeux liés à leur santé sexuelle. Ce silence contribue à une vulnérabilité accrue face à des risques tels que les grossesses non désirées, les IST et les violences sexuelles. »Ce manque d’éducation sur la santé sexuelle et reproductive engendre une confusion chez les jeunes.
Âgée de 17 ans, Sophie a une vision claire de son passé et des erreurs qu’elle a commises, mais avec une perspective marquée par la réalité. « Je n’avais jamais parlé de sexualité avec mes parents. C’était un sujet qu’on évitait totalement à la maison. J’ai rencontré un garçon, et à 16 ans, je suis tombée enceinte. J’ai pris des risques, mais je ne savais pas vraiment à quel point c’était dangereux. Ma mère m’a trouvée enceinte et, au début, elle était en colère. Elle m’a dit qu’elle m’avait laissée dans l’ignorance. »Sophie admet que, faute de connaître les risques associés à une activité sexuelle non protégée, elle se retrouve aujourd’hui confrontée à une grossesse inattendue qui a bouleversé sa vie. « Personne ne m’a expliqué la contraception, ni même les dangers d’une grossesse précoce. J’ai découvert tout cela de manière brutale. »
Kevin nsimba, 26 ans, raconte l’histoire d’une relation qui aurait pu changer sa vie, mais qu’il n’a jamais imaginée comme étant risquée. « À 19 ans, j’étais en couple et je pensais que tout allait bien. Quand ma petite amie est tombée enceinte, j’ai été choqué. On n’en avait jamais parlé à la maison. Mes parents n’ont jamais abordé ce sujet avec moi, et on se disait qu’on était encore jeunes pour y penser. Le problème, c’est que je ne savais pas comment me protéger. »Ce témoignage met en lumière la négligence d’une éducation sexuelle complète et l’impact de cette omission sur les choix que Kevin a dû faire face à une grossesse non planifiée. « Je me sens responsable, mais je réalise aussi que mes parents ont manqué à leur devoir de m’informer. Ce manque d’éducation m’a laissé dans l’incertitude. »
Les Risques pour la Santé : L’Importance d’Aborder la Sexualité

Monsieur Claude Nkoka Mampuya, secrétaire exécutif de l’ONG Action pour la protection des enfants et des femmes, souligne l’importance capitale de l’éducation à la sexualité pour la santé des jeunes. « L’ignorance des parents en matière de sexualité et leur incapacité à en parler avec leurs enfants exposent ces derniers à de nombreux dangers. Sans une éducation appropriée sur les risques des IST, la contraception et le consentement, les jeunes deviennent vulnérables aux abus sexuels, aux grossesses précoces et à d’autres complications liées à la santé reproductive », avertit-il.Le manque d’informations sur la santé reproductive, combiné à l’absence de dialogue, crée une génération de jeunes qui ne connaissent pas leurs droits ni les moyens de protéger leur santé. « Parler de sexualité et de santé reproductive n’est pas seulement une question d’éducation morale, mais aussi de prévention des risques sanitaires majeurs », ajoute Monsieur Mampuya.
Le Défi de Briser le Tabou pour Préserver la Santé Sexuelle et Reproductive
Le tabou autour de la sexualité dans les familles a des conséquences importantes, notamment la stigmatisation et l’ignorance. Cela conduit souvent à des comportements à risque, comme des grossesses non désirées. Ce manque d’information et de soutien peut également favoriser les avortements clandestins, qui représentent un réel danger pour la santé des femmes. Ces avortements, réalisés dans des conditions non sécurisées, peuvent entraîner des complications graves comme des infections, des hémorragies, voire la mort.
La question centrale est désormais de savoir comment briser ce tabou au sein des familles de Kisantu pour garantir une meilleure santé sexuelle et reproductive. Les experts s’accordent à dire que l’éducation sexuelle doit débuter à la maison, avec une participation active des parents. Cette démarche passe par l’intégration de la sexualité dans les conversations familiales, avec un focus particulier sur la santé reproductive.« Il faut que les parents comprennent que parler de sexualité n’est pas encourager des comportements irresponsables, mais un moyen de protéger leur santé et leur bien-être. Les jeunes doivent comprendre l’importance de la contraception, de la prévention des MST, et du respect du consentement mutuel », explique Antoine Makengo.
Le Dr Ntangi Buta Chastel, médecin à l’hôpital Saint-Luc de Kisantu et président fondateur de l’ASBL ASFOD, a déclaré lors d’un atelier de renforcement des capacités avec les journalistes de Kisantu : « Le tabou entourant la sexualité, en particulier chez les jeunes filles, constitue un facteur clé incitant beaucoup d’entre elles à recourir à des avortements clandestins. Le manque d’information sur la contraception et l’impossibilité de discuter ouvertement de la sexualité plongent ces jeunes filles dans des situations de grossesses non désirées. Ne pouvant aborder leurs préoccupations avec leurs familles ou les autorités médicales, elles se retrouvent souvent à chercher des solutions risquées et illégales, exposant ainsi leur santé à de graves dangers, tels que des infections, des blessures internes et des conséquences psychologiques. »
Il a ajouté que le manque de soutien social et éducatif, associé à la stigmatisation de la sexualité, exacerbe cette situation, créant un cercle vicieux qui prive les jeunes filles de leurs droits à une éducation complète et à des soins médicaux appropriés. « Cela doit changer », conclut-il.
Briser ce tabou est devenu une nécessité pour assurer la protection des jeunes et leur permettre de grandir dans un environnement sain et informé.Les parents ont un rôle crucial à jouer.
En s’éduquant eux-mêmes sur les enjeux de la santé sexuelle et reproductive et en entamant un dialogue ouvert avec leurs enfants, ils peuvent les protéger des risques et leur offrir les outils nécessaires pour prendre des décisions éclairées. Pour un avenir plus sain et plus éclairé à Kisantu, il est impératif que la sexualité ne soit plus un sujet tabou, mais un thème de discussion respectueuse et protectrice pour tous.
Marley Mamona