Par la rédaction de Kongo Futur.info
Au cœur de Kisantu, dans le quartier reculé de Wete (Mboka Sika), un phénomène préoccupant continue de faire des ravages : les grossesses précoces chez les jeunes filles, aggravées par un cruel manque d’information sur la santé sexuelle et reproductive. Une enquête menée sur le terrain, avec l’appui du Réseau des Journalistes pour la Santé Sexuelle et Reproductive (RJSSR), révèle une réalité alarmante.
Dans ce quartier souvent privé d’électricité, les distractions sont rares, les occupations limitées et l’accès à l’information quasiment inexistant. Ce contexte pousse bon nombre de jeunes filles à se retrouver précocement dans la maternité, parfois dès l’âge de 15 ans.
« Ici, on ne parle pas de santé sexuelle. On découvre la réalité quand il est déjà trop tard », confie Nsimba N’landu, une jeune mère de 20 ans, mère de trois enfants. « Je suis tombée enceinte en attendant les résultats de mon diplôme d’État. À l’époque, je n’avais pas de téléphone ni accès à l’information. Aujourd’hui, grâce à TikTok, je comprends un peu mieux comment me protéger. »
Les jeunes filles interrogées parlent ouvertement de leurs pratiques, souvent influencées par des croyances erronées. Beaucoup affirment ne pas aimer utiliser de préservatifs, qu’elles jugent responsables d’une perte de plaisir. Le terme local « Poso-poso », signifiant littéralement « corps à corps », est souvent utilisé pour désigner les rapports non protégés, perçus comme une preuve d’amour et de confiance.
Sandra makengo, 17 ans, est l’un des visages de cette réalité. Elle a abandonné l’école en 4e humanité après être tombée enceinte.
« Le père de mon enfant est parti à Kinshasa pour apprendre un métier. Il n’est jamais revenu. Je vis maintenant chez ma grand-mère. Sa famille n’a pas voulu que je reste avec eux », explique-t-elle avec tristesse.
La majorité des pères de ces enfants sont de jeunes garçons sans emploi stable, souvent chauffeurs de motos, qui finissent par fuir leurs responsabilités. Nombre d’entre eux s’en vont à Kinshasa sous prétexte de formations, laissant derrière eux des jeunes filles démunies, seules avec leurs enfants.
Outre les grossesses précoces, les cas d’avortements clandestins, de mortalité infantile et de malnutrition sont fréquents dans ce quartier. Certaines jeunes filles témoignent de la perte de leurs enfants par manque de soins adéquats.
Face à cette situation, les campagnes de sensibilisation porte-à-porte apparaissent comme une solution efficace et adaptée à cette population vulnérable. « L’information peut sauver des vies, retarder les grossesses précoces, et permettre à ces filles de se marier dans la dignité, sans passer d’abord par la maternité », souligne Madame Bibiche Mbete, coordinatrice nationale du RJSSR.
La pauvreté, le manque d’électricité et l’absence de médias de proximité limitent l’accès à l’information, laissant les jeunes filles sans repères ni connaissances de base sur leur santé. Pourtant, une meilleure éducation sexuelle et reproductive, adaptée au contexte rural, pourrait faire la différence.
Recommandations :
- Intensifier les campagnes de sensibilisation communautaire dans les milieux reculés.
- Renforcer les partenariats entre journalistes, ONG et institutions sanitaires pour la diffusion d’informations en langues locales.
- Créer des clubs de jeunes ou espaces sûrs pour éduquer les adolescents sur leur santé sexuelle.
- Faciliter l’accès aux moyens de contraception adaptés et sûrs.
Kisantu n’est pas un cas isolé. Ce qui se passe à Wete est le reflet d’une situation généralisée dans plusieurs localités du Kongo-Central. Il est temps d’agir, pour briser le silence et offrir un avenir meilleur aux jeunes filles de demain.
Par Bosco Kiaka