L’Association des Pêcheurs du Kongo Central (APEKOC) a élevé la voix ce samedi 14 juin à Matadi, capitale provinciale, pour alerter sur les conséquences écologiques, sociales et économiques du projet Grand Inga, notamment la première phase du barrage Inga 3, récemment relancée grâce à un crédit de 250 millions de dollars accordé par la Banque mondiale via l’Association internationale de développement (IDA).
Dans une déclaration solennelle lue devant la presse par son président provincial, Daniel Kiyana Matondo, l’APEKOC a formulé quatre recommandations stratégiques à l’endroit des autorités nationales, des partenaires techniques et financiers, ainsi que des acteurs de la société civile. L’objectif : défendre les droits des pêcheurs et préserver les écosystèmes menacés par le projet énergétique.
Quatre recommandations clés pour une transition juste
S’appuyant sur les enseignements tirés des effets néfastes des barrages Inga 1 et 2 construits dans les années 1970 et 1980, l’APEKOC demande :
Au Président de la République : de garantir la posture écologique de la RDC comme pays-solution face au changement climatique, en s’opposant à tout projet qui compromet une transition énergétique équitable – dont le Grand Inga ;
Au Gouvernement et à la Banque mondiale : d’opter pour une politique de décentralisation énergétique, plus adaptée aux réalités locales, tout en excluant les projets énergivores sans consultation préalable. L’association dénonce l’absence d’une Étude d’Impact Environnemental inclusive et participative ;
À la Société Civile du Kongo Central : de produire une étude alternative indépendante sur les impacts du barrage Inga 3, et de sensibiliser les communautés locales afin de susciter une prise de conscience collective autour des enjeux environnementaux ;
Aux pêcheurs de toute la RDC : de rester vigilants, solidaires et engagés pour la protection des ressources halieutiques, des écosystèmes aquatiques et du fleuve Congo, qui constitue leur principal moyen de subsistance.
Un avenir incertain pour la pêche artisanale
L’APEKOC tire la sonnette d’alarme : selon ses membres, plus de quatre décennies après Inga 1 et 2, les communautés riveraines du fleuve Congo subissent toujours des conséquences dramatiques. Le niveau d’eau a baissé, les courants ralentis, et la biodiversité aquatique menacée.
Les pêcheurs s’inquiètent notamment des risques accrus de disparition d’espèces de poissons, d’une pêche rendue plus difficile, et de la salinisation progressive des eaux fluviales due à la remontée de l’Atlantique, phénomène accentué par la diminution de la vitesse d’écoulement du fleuve.
Le fleuve Congo : un écosystème vital
Le fleuve Congo, rappelle l’APEKOC, est l’un des plus puissants puits naturels de carbone au monde. Mais la modification de son régime hydrologique menace non seulement l’accès à l’eau douce, mais également la sécurité alimentaire de millions de Congolais.
Le débit du fleuve, affaibli par la baisse de 30 à 40 % de celui de ses affluents, n’est plus suffisant pour garantir un équilibre écologique durable. L’association met également en garde contre les effets secondaires du projet Inga 3, tels que l’ensablement des zones de divagation, qui pourrait rendre le fleuve non navigable entre Banana et Matadi, ou encore accroître les risques d’inondations à Kinshasa.
Une loi obsolète et une réforme attendue
Dans cette même déclaration, l’APEKOC salue les initiatives parlementaires en cours pour l’élaboration d’une nouvelle loi sur la pêche en RDC. Le texte en vigueur, qui date de 1937, est jugé dépassé et inadapté aux défis actuels. L’association espère une réforme inclusive, porteuse de reconnaissance pour les pêcheurs, et protectrice des richesses halieutiques du pays.
> « Pour nous, le fleuve est notre vie. Le protéger est un devoir. Y construire un barrage revient à exclure les pêcheurs de la politique nationale », a martelé l’APEKOC dans son appel vibrant.
À travers cette sortie médiatique, les pêcheurs du Kongo Central s’affirment comme des acteurs incontournables du débat énergétique et environnemental en RDC, et rappellent que la quête de développement ne doit pas se faire au détriment des communautés locales et de leur survie.
avec KM